Retrouvez ci-dessous ma tribune publiée samedi dans Ouest France à l’occasion de l’inscription des Terres et mers australes françaises sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Parce que les continents muets méritent aussi que l’on porte leur voix : https://bit.ly/30lccz6
« Les vérités scientifiques sont-elles indiscutables ? Épreuve de philosophie 2019 du bac S à Pondichéry, cette question poursuivra sans doute longtemps les bacheliers ayant opté pour ce sujet.
Le réchauffement climatique est-il indiscutable ? Chaque jour, de nouvelles données, scientifiques ou non, mettent en évidence ce constat. C’était récemment le cas avec l’image immortalisée le 13 juin de ces chiens de traîneau courant les pattes dans l’eau de la banquise fondue du fjord d’Inglefield, au Groenland. La banquise fond six fois plus vite aujourd’hui qu’il y a trente ans. Une dégradation lente de l’état de notre planète. Mesurable. Inexorable. Si cette photo nous alarme, elle ne doit pas rester qu’un simple frémissement. Ministre des Outre-mer et originaire du seul territoire français subarctique (Saint-Pierre-et-Miquelon, NDLR), elle m’interpelle particulièrement.
Nous pouvons toutefois célébrer une bonne nouvelle : hier, les Terres et mers australes françaises ont été inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Ces Terres et mers australes ne sont pas le Groenland. Elles se situent entre les 40e rugissants et les 50e hurlants, au sud de l’océan Indien, tout près de l’Antarctique. Moins visible que l’Arctique, plus éloigné encore des hommes et de leurs contingences, ce continent de 14 millions de kilomètres carrés connaît pourtant, lui aussi, les conséquences du réchauffement climatique.
Des continents muets
Ces Terres et mers australes font partie des Terres australes et antarctiques françaises – affectueusement surnommées les TAAF par quelques initiés – sans doute le territoire ultramarin français le moins connu. Ces bouts du monde, situés à plus de 2 000 km du premier continent terrestre, sont des joyaux de biodiversité et abritent l’une des plus fortes concentrations d’oiseaux et de mammifères marins au monde. À l’instar des petits États insulaires, les TAAF sont aux avant-postes du changement climatique. Elles sont les témoins directs de la montée des eaux et de la submersion. Mais elles sont aussi porteuses de solutions pour régénérer notre planète.
Ces territoires vierges sont des puits de carbone qu’il est nécessaire de maintenir plutôt que d’exploiter. Tant que ces espaces restent inviolés, leur productivité naturelle contribuera à l’équilibre de plus en plus fragile des océans, atteints par une acidification continue. Cette condition a une valeur. Osera-t-on dire un jour que cette valeur a un prix ? Que les activités polluantes sur lesquelles nous devons faire porter la transition écologique doivent contribuer d’une façon ou d’une autre à leur mise en valeur ? Comme pour la forêt de Guyane, comme pour la préservation de nos espaces maritimes ultramarins ?
L’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco va permettre non seulement de mettre en avant l’exemplarité de la préservation de la biodiversité, mais aussi de garantir la réalisation d’activités durables, menées dans le respect des écosystèmes et des ressources naturelles.
Le 8 avril, je lançais la Trajectoire outre-mer 5.0. C’est désormais le cadre durable des politiques publiques menées dans les territoires d’outre-mer afin d’atteindre cinq objectifs clairs à l’horizon 2030 : zéro déchet, zéro carbone, zéro polluant agricole, zéro exclusion et zéro vulnérabilité aux risques naturels majeurs. Cette trajectoire, c’est une coalition d’acteurs, institutionnels, privés et issus de la société civile, mobilisés pour concrétiser la transition écologique. Des acteurs qui se battent pour faire entendre leur souhait d’un avenir durable.
Parce que les continents muets méritent aussi que l’on porte leur voix. »